La trousse culinaire imagée pour le four à micro-ondes

La trousse culinaire imagée pour le four à micro-ondes

HISTORIQUE DU PROJET, ASPECTS PÉDAGOGIQUES ET PARTENARIATS

Ce projet incarne bien toutes les préoccupations que soutient la réforme scolaire pour renouveler nos pratiques et motiver nos élèves à apprendre. En effet, le projet de la trousse culinaire a permis aux 78 élèves inscrits au programme de formation à l’inté- gration sociale (FIS) de la Commission scolaire des Sommets de donner du sens aux différents savoirs. Pour eux, cette réalisation a d’autant plus de valeur qu’elle leur est utile et qu’ils ont conscience qu’elle guidera d’autres personnes handicapées dans leurs apprentissages en cuisine.

L’exécution des recettes lors des séances de cuisines collectives a contribué à habiliter les élèves à transférer leurs acquis dans la vie courante. De plus, avec les partenaires du milieu, nous avons ouvert l’école vers l’extérieur pour fournir des occasions concrètes d’intégration sociale et d’expérimentation de différentes tâches. La trousse culinaire vise essentiellement à doter les élèves d’un outil adapté à leur mode d’apprentissage. Le projet a été une occasion de conjuguer avec de nombreux imprévus, de donner à l’équipe des enseignantes et aux élèves des défis nouveaux et de composer avec toutes les opportunités et collaborations que nos partenaires nous ont offertes. En ce sens, mentionnons que l’ouverture et l’implication des cuisines collectives de Windsor et de Valcourt ainsi que des enseignants et des élèves du Centre de formation professionnelle 24-Juin en infographie et en imprimerie ont enrichi la qualité de ce projet, tant en ce qui a trait au produit final que sur le plan des expériences qui furent d’une grande richesse pour tous.

LES APPROCHES

Au programme de formation à l’intégration sociale, nous utilisons la pédagogie par projet parce que nous croyons qu’il est important que l’élève en difficulté d’adaptation soit exposé à des situations d’apprentissage et à des expériences concrètes. Cette approche fait partie intégrante de nos pratiques depuis maintenant 15 ans. Nous constatons que l’appropriation du contenu scolaire appris par l’intermédiaire des tâches et activités devient plus signifiante. C’est la mise en action d’un répertoire de ressources (connaissances, habiletés et attitudes) qui rend possible la concrétisation du projet de vie des personnes. Notre souci est que l’élève se prépare à la vie adulte pour vivre en appartement et développer des compétences qui le mèneront à s’intégrer dans des activités de travail. Nous croyons qu’il peut développer sa confiance en lui-même en réalisant des projets utiles qui lui apportent une reconnaissance de la communauté.

Avec le projet de la trousse culinaire, les élèves ont eu à prendre part aux décisions et à s’engager dans une vraie production. Le pouvoir de décision et l’engagement qu’ils ont manifestés ont renforcé leur identité personnelle. Ils devaient démontrer un savoir (quoi faire, quand et comment le faire). Voilà qui résume bien la visée de notre programme, soit de rendre la personne fonctionnelle dans sa vie quotidienne.

En reconnaissant les différences et en les valorisant, nous avons mis à contribution les forces de chacun dans une dynamique de coopération où chaque personne a participé à la réussite de tous.

Ce projet a été l’occasion d’appliquer les principes de l’approche orientante aux situations d’apprentissage. Nous avons mis en place une clinique d’exploration, pour impliquer les élèves dans différentes tâches liées à l’assemblage des livres de recettes qui avaient été imprimés par les élèves inscrits au Centre de formation professionnelle 24-Juin, à Sherbrooke. Le cadre et les outils de travail ont été soigneusement planifiés avec la collaboration des enseignants de la formation professionnelle. Différentes équipes ont participé aux tâches d’assemblage, dans l’atelier du Centre 24-Juin. Plusieurs personnes ont pu valider leur intérêt et leurs capacités à exercer certaines tâches dans différents contextes. Pour les élèves de la formation professionnelle, ce fut une belle occasion de viser un objectif commun et de lever des obstacles à l’intégration.

Appliquer la différenciation pédagogique est incontournable en milieu scolaire; c’est pourquoi nous avons mis au point plusieurs outils pour les adapter aux modes d’apprentissage des élèves. La coopération et la valorisation des rôles sociaux sont bien sûr au cœur de ce projet, puisque notre but ultime est que chaque élève soit en mesure de jouer un rôle signifiant dans sa communauté.

LA CLIENTÈLE SCOLAIRE

La composition des groupes d’élèves est très hétérogène dans nos centres d’éducation des adultes. Ainsi, nous y retrouvons différentes catégories diagnostiques : déficience intellectuelle légère ou moyenne, dysphasie et trouble envahissant du développement (TED). Elles sont associées dans plusieurs cas à des problématiques sexuelles, un traumatisme crânien, des troubles de personnalité état limite, des troubles dépressifs, la schizophrénie ou à d’autres problématiques physiques telles que la dystrophie musculaire et l’épilepsie.

La moyenne d’âge des adultes inscrits dans nos groupes est de 35 ans. Certains jeunes de 17 à 21 ans fréquentent à mi-temps le secteur des jeunes en cheminement particulier et complètent en même temps leur formation au secteur adulte pour développer des habiletés fonctionnelles tout en misant sur le développement d’habiletés personnelles et sociales. La formation à l’intégration sociale (FIS) à l’éducation des adultes est un des maillons dans le continuum de services favorisant l’intégration et la concrétisation du projet de vie de l’élève. C’est pourquoi des passerelles ont été créées dans notre commission scolaire afin que l’arrimage des deux ordres d’enseignement soit une voie dans laquelle certains jeunes qui manifestent des indices de décrochage ou qui sont plafonnés sur le plan scolaire puissent poursuivre leur cheminement vers l’intégration sociale.

D’autres adultes du groupe, âgés de plus de 21 ans, sont aussi inscrits à mi-temps dans des activités prévocationnelles (ateliers de travail protégés, plateaux de travail, activités de travail intégré et stages supervisés par le centre de réadaptation), alors que d’autres ont un travail en entreprise rémunéré ou participent à des activités de bénévolat dans la communauté.

LA PÉDAGOGIE PAR PROJET

La démarche du projet de la trousse culinaire s’est appuyée sur un cadre de planification, de réalisation et d’intégration afin que l’enseignement des diverses compétences liées au projet suscite chez les élèves l’apprentissage de savoirs et de savoir-faire applicables dans leur vie d’adulte.

La planification du projet a comporté plusieurs phases. Tout d’abord, mentionnons que l’idée de réaliser un livre de recettes est une initiative d’une élève de Windsor, Jennifer Paquet. Nous avons ensuite pris en compte l’intérêt de tous les élèves à s’impliquer dans ce projet collectif afin de réaliser une production qui allait devenir une source de fierté, considérant qu’ils voulaient vendre ces livres et ainsi se sentir utiles et reconnus pour leur réalisation.

Cette entreprise collective fut planifiée de façon à assurer le transfert des acquis en adoptant des stratégies pédagogiques qui respectent les besoins, les caractéristiques et les profils d’apprentissage d’élèves présentant une déficience intellectuelle, une dysphasie ou un trouble envahissant du développement.

La question au cœur de toute la démarche pour coordonner le projet a été de savoir quels choix pédagogiques seraient les plus efficaces pour soutenir le transfert des apprentissages en contexte de différenciation pédagogique. D’où l’importance de bien connaître les élèves et les problématiques qu’ils vivent afin de leur proposer des défis adaptés à leurs capacités et profils d’apprentissage, d’ajuster les stratégies au cours du processus de mentalisation et de métacognition et de proposer des tâches signifiantes.

Ces considérations ont teinté l’orientation du projet en ce sens où les recettes devaient être illustrées et présentées en séquences d’actions micrograduées et proposer une seule consigne à la fois. Pour que les apprentissages soient réinvestis dans leur milieu de vie, on a décidé que les recettes seraient pré- parées au four à micro-ondes, puisque la plupart de ces élèves ne sont pas autorisés à utiliser le four conventionnel sans supervision à la maison. Un souci particulier pour la sécurité devait faire partie des considérations, c’est pourquoi on a aussi choisi de participer au concours Défi prévention jeunesse CSST, en présentant un document Power Point réalisé avec les élèves sur l’utilisation sécuritaire du four à micro-ondes.

L’ensemble des activités et des productions entourant ce projet allait s’inclure dans une trousse culinaire qui contiendrait quinze recettes imagées pour le four à micro-ondes, un guide d’utilisation et un CD-ROM sur l’utilisation sécuritaire de l’appareil. Dans l’équipe des enseignantes, les rôles ont été répartis de façon à responsabiliser les élèves de chaque point de service dans la réalisation du projet. C’est ainsi que 78 élèves issus des localités des régions d’Asbestos, de Windsor, de Valcourt et de Magog ont réalisé un travail où ils ont pu faire preuve de coopération et d’initiative.

Le projet étant en soi un prétexte à faire des apprentissages, il était au centre de la motivation des élèves à s’accomplir et à intégrer des compétences dans l’action. Cette planification et le suivi des apprentissages (objectivation en vue de préparer au transfert), les enseignantes les ont préparés avec chaque élève et les personnes significatives de son milieu afin de cibler des objectifs individuels sélectionnés dans le menu d’apprentissage du programme.Tous les élèves ont souscrit à la réalisation du projet, en accomplissant différentes tâches en fonction de leurs capacités et de leur niveau d’autonomie.

À l’étape de la planification, la recherche de partenaires fut primordiale afin de réaliser la production. Les cuisines collectives de Windsor et de Valcourt se sont impliquées dans le projet pour produire la trousse culinaire. Par ailleurs, ce partenariat favorisait une intégration progressive des élèves dans la vie communautaire de leur milieu. Des liens ont été construits avec le Centre de formation professionnelle 24-Juin pour obtenir la collaboration du service d’infographie et d’imprimerie. Cette entente a permis à nos élèves de participer au montage des livres de recettes en exécutant des tâches d’apprentis pour la perforation, le boudinage et l’ensachage.Bref, ce furent de belles occasions pour lever des obstacles à l’intégration, en faisant travailler des élèves de formation professionnelle avec et pour des élèves en difficulté d’adaptation. De plus, pour les élèves des classes d’intégration sociale, ces expériences ont été l’occasion de valider consciemment et concrètement des choix et des préférences liées au monde du travail et ainsi développer une perspective nouvelle pour enrichir leur projet de vie.

La phase de réalisation du projet a permis de mettre en relation différents apprentissages. Ainsi, pour développer des habiletés en matière d’alimentation, les élèves ont été placés en contexte réel. En partenariat avec les cuisines collectives de Windsor et de Valcourt, les élèves ont cuisiné, deux fois par mois, les recettes qu’ils avaient auparavant travaillées en classe. Ainsi, plusieurs compétences préalables ont fait l’objet d’apprentissage : définir les étapes de la recette, comprendre les mesures, les conversions, identifier les ingrédients dans la circulaire, établir la liste d’épicerie et le coût de la recette, faire l’épicerie, payer la facture, compter la monnaie et le retour de la monnaie, utiliser la carte de débit, savoir, au besoin, demander de l’aide au commis et le remercier… sans oublier de se féliciter du défi accompli!

Tous ces exemples d’apprentissages ont certes été très signifiants et avaient un lien concret avec la production de la trousse culinaire. Le projet a été un levier pour assurer un transfert des apprentissages et maintenir un haut niveau de motivation propre à soutenir les efforts investis par les élèves pour faire face à la nouveauté, que ce soit pour aller seul à la caisse ou à l’épicerie, peut-être pour la première fois. Des apprentissages liés à la communication orale, écrite et par micro-ordinateur ont aussi été effectués lors de la production du document Power Point sur l’utilisation sécuritaire du micro-ondes. Dans ce document, les élèves ont appliqué des procédures leur permettant de transférer une image avec le logiciel Power Point, de rédiger une consigne et d’enregistrer les consignes de sécurité se rapportant aux ustensiles et aux produits d’entretien recommandés ou non ainsi que d’adopter des mesures sécuritaires pour éviter les radiations et l’électrocution.

La participation des élèves à l’élaboration de la trousse a été manifeste à toutes les étapes, soit parce qu’ils ont été photographiés en action lors des activités des cuisines collectives, soit parce qu’ils ont réalisé le Power point ou encore la mise en forme de la trousse, c’est-à-dire le montage et l’expédition. Des séquences d’action des différentes tâches ont été photographiées pour qu’ils puissent en classe se préparer à exécuter le travail d’assemblage, de perforation, de boudinage et d’ensachage des trousses, au Centre de formation professionnelle 24-Juin. Les expérimentations qui ont été vécues par les élèves tant aux cuisines collectives qu’au Centre de formation professionnelle 24-Juin ont été des occasions d’« explorer pour apprendre ». Ils ont pu valider leurs habiletés et de nouvelles préférences relativement au travail ainsi que se donner des défis sur le plan manuel, tout en démontrant une grande persévérance motivée par le fait qu’ils ont travaillé du début à la fin de leur projet. Effectivement, le projet a favorisé des applications de l’approche orientante en ce sens où l’exploration de nouveaux milieux et de tâches dans des domaines différents a été un moyen d’acquérir une compétence à s’orienter pour mieux définir et enrichir son projet de vie.

Pour compléter le travail, les élèves ont appris à émettre un reçu pour les 80 trousses qui ont été livrées aux différentes commissions scolaires, aux centres de réadaptation en déficience intellectuelle (CRDI) et aux autres fédérations ou organismes pour personnes autistes ou déficientes intellectuelles qui en ont fait la demande. Ils ont eu aussi l’occasion d’apprendre à se repérer sur une carte, tout en identifiant les villes où les trousses allaient être expédiées à travers le Québec.

La phase d’intégration (objectivation et évaluation) a été réalisée tout au long de l’année pour souligner les succès et faire les ajustements nécessaires afin de s’assurer que, dans la continuité de sa démarche de formation, l’élève puisse se reconnaître des forces nouvelles et développer son estime de lui-même et que ses expérimentations soient source de fierté. Les participants ont eu différentes occasions de s’autoévaluer et ont commencé à construire leur portfolio. Différentes grilles d’observation et d’évaluation ont été construites pour vérifier l’atteinte des objectifs microgradués selon le niveau d’autonomie de la personne.

CONCLUSION

Le fruit du travail des élèves a été présenté lors d’une conférence de presse organisée à la Commission scolaire des Sommets en juin 2006. Les élèves ont fait le lancement de la trousse et ont parlé de leur expérience aux journalistes qui les ont interrogés. Nous espérons que ce projet laissera des traces significatives pour les milliers de personnes handicapées au Québec qui utiliseront ces livres de recettes pour apprendre à être plus autonomes en cuisine.

On peut se procurer la trousse culinaire à partir du lien suivant.

https://youtu.be/1bPyeod87pw

NOS PERSPECTIVES

Ce projet s’inscrit dans le plan d’insertion de chaque élève inscrit à la FIS. En ce sens, nous travaillons cette année à consolider les apprentissages chez les élèves selon leur rythme propre. Pour celles et ceux qui ont réussi à démontrer des habiletés à exécuter la recette à l’école, nous inscrivons de nouveaux défis dans leur portfolio. Dans un premier temps, avec le concours des parents, l’élève applique ses habiletés à la maison. Dès janvier, certains élèves ont été orientés vers des activités bénévoles dans la communauté ou vers des groupes de cuisines collectives réunissant des personnes de la communauté dans leur localité. Toutes ces expérimentations sont des occasions pour les élèves de participer à des cliniques d’exploration dans leur milieu, et ce, grâce à l’implication de nos partenaires qui s’emploient à faire une place dans la communauté aux personnes handicapées afin qu’elles y jouent un rôle et fassent valoir leurs compétences.

Mme Danielle Viau a coordonné la réalisation de ce projet en 2005-2006. Elle est également enseignante en adaptation scolaire au Service de l’éducation des adultes de la Commission scolaire des Sommets.